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Chœur de la cathédrale nord en cours de dégagement. Cliché J.-B. Sevette.
25 octobre 2012

Les Burgondes

Lyon – Genève

Installés par Aetius en 443 apr. J.-C. sur l’actuel Plateau suisse, de manière à défendre l’accès à la vallée du Rhône contre la menace d’autres peuples barbares, les Burgondes n’ont laissé dans l’histoire qu’une empreinte discrète. Ils constituèrent pourtant l’un des premiers royaumes barbares à l’intérieur des frontières de l’empire romain d’Occident. Mais ce royaume fut aussi un des plus éphémères, puisqu’il ne dura qu’une centaine d’années (443-534 apr. J.-C.); aucun État moderne ne peut ainsi se revendiquer son successeur, contrairement à ceux des Francs ou des Alamans par exemple.
Longtemps, les toponymistes ont cru pouvoir retracer l’installation des Burgondes en se fondant sur la répartition des noms de lieu se terminant par le suffixe romand -ens ou alémanique -ingen. Les études récentes montrent cependant que cette formation de toponymes est en partie au moins plus tardive. Les éléments que l’on peut aujourd’hui rapporter à la présence burgonde sont bien maigres: quelques survivances médiévales d’usages de la loi des Burgondes, et de rares noms de personnes ou de lieu – la Bourgogne, la commune de Bourgoin (la propriété du Burgonde).
Les informations ne sont pas plus abondantes du côté de l’archéologie: mis à part quelques tombes et quelques objets, reflets avant tout de pratiques étrangères aux Romani – les descendants des Gallo-Romains – les Burgondes n’ont pour ainsi dire pas laissé de traces à l’intérieur des frontières de leur ancien royaume.
La question a d’ailleurs été posée par certains chercheurs de l’existence même d’un peuple burgonde, au même titre que celle des autres peuples germaniques qui s’installent en Europe occidentale et sont nommés dans les sources écrites. Les Burgondes sont-ils vraiment un peuple? L’interprétation des vestiges qu’on leur attribue ne serait-elle qu’une construction intellectuelle? Le débat est toujours en cours parmi les historiens et les archéologues.
Pourtant, sans eux, rien n’aurait été pareil dans cette partie de la Gaule au Ve siècle et dans les siècles suivants. Leur situation de «minorité au pouvoir» a fait des Burgondes des conservateurs forcés de la romanité. Cette nécessité de se concilier les élites et la population d’origine gallo-romaine, bien supérieure en nombre, pour maintenir la cohésion du royaume a déterminé l’action politique des rois burgondes. Certes, Gondebaud promulgue un code de lois propre aux Burgondes, mais il maintient parallèlement le code propre aux Romains. Son fils Sigismond se convertit de la confession arienne au catholicisme et fonde le monastère de Saint-Maurice, même s’il place un abbé burgonde à sa tête. La disparition de la langue burgonde, la célébration de mariages entre Romains et Burgondes, l’attribution de noms latins ou germaniques aux enfants des mêmes familles ou encore l’adoption des pratiques funéraires locales sont des signes éloquents de la rapide acculturation des nouveaux arrivants.
Au travers d’un dialogue entre sources historiques et archéologiques – qui parfois s’opposent, parfois concordent de façon étonnante – ce numéro d’Archéothéma évoque avant tout une période de l’histoire encore peu connue du grand public, souvent empreinte de clichés. Il rappelle les principaux événements politiques, tant avant qu’après la création du royaume sur le Rhône, présente les deux capitales que sont Genève et Lyon, fait le bilan des connaissances sur son économie. L’évocation de la langue et des codes de lois, comme celle de la progression des idées chrétiennes, en particulier de la fondation du monastère de Saint-Maurice, donnent un aperçu de l’organisation sociale et de la cohabitation entre Romani et Barbares. Le parcours s’achève avec l’héritage que laisse le royaume burgonde au début du VIe siècle, au moment où les Francs prennent en mains ce territoire. C’est alors qu’apparaît dans les textes le nom même de Burgundia, en même temps que des séries d’objets propres à cette région dans les fouilles archéologiques, témoins sans doute d’une culture romano-burgonde.

Le dossier

  • Les Burgondes, «les plus doux des barbares», par Lucie Steiner et Justin Favrod
  • Chronologie et généalogie des rois burgondes
  • Le peuple des Burgondes, par Justin Favrod
  • Les Burgondes avant 440, par Justin Favrod et Katalin Escher
  • La légende des Nibelungen, par Wolfgang Haubrichs
  • La Burgondie avant les Burgondes, par Justin Favrod et Jacques Monnier
  • L’installation des Burgondes en Sapaudia, par Justin Favrod et Lucie Steiner
  • Les indices anthropologiques, par Geneviève Perréard Lopreno
  • Récits des temps burgondes (443-534), par Justin Favrod
  • Les Burgondes à Genève, par Charles Bonnet
  • Lugdunum, capitale du roi Gondebaud (Ve-VIe siècle), par Jean-François Reynaud
  • Saint-Irénée, une cinquième église d’époque burgonde à Lyon, par Jean-François Reynaud
  • L’économie urbaine du royaume burgonde par Jean-François Reynaud
  • Les émissions monétaires des Burgondes, par Matteo Campagnolo
  • La céramique de l’Antiquité tardive au haut Moyen Âge, par Marc-André Haldimann
  • Existe-t-il une langue burgonde?, par Wolfgang Haubrichs
  • Gondebaud et Clotilde: la conversion au catholicisme, par Justin Favrod et Jean Terrier
  • Les plaques-boucles en bronze à décor figuré, par Rachel Poulain
  • Sigismond et la fondation de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, par Éric Chevalley et Alessandra Antonini
  • Des Burgondes aux Bourguignons: l’héritage des Burgondes, par Justin Favrod, Françoise Passard-Urlacher et Sophie Gizard

L’article

  • Tell Beydar en Syrie. L’organisation dans un palais il y a 4500 ans environ, par Joachim Bretschneider et Greta Jans

Les actualités

  • Petit Beaulieu à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Du Campaniforme au Bronze ancien: habitat et nécropole, par Éric Thirault
  • Découvertes, actualités et expositions
Lucie Steiner, Justin Favrod, Katalin Escher, Wolfgang Haubrichs, Jacques Monnier, Geneviève Perréard Lopreno, Charles Bonnet, Jean-François Reynaud, Matteo Campagnolo, Marc-André Haldimann, Jean Terrier, Rachel Poulain, Éric Chevalley, Alessandra Antonini, Françoise Passard-Urlacher, Sophie Gizard