Vient de paraître !
La mosaïque dans les Gaules romaines
On peut dire que ce livre est comme la tesselle manquante d’une vaste “mosaïque” faite d’ouvrages spécialisés consacrés à ce thème si parlant du décor de sol. En effet, de l’aveu même des auteurs, il vient combler une absence flagrante qui marquait le monde si prestigieux de la mosaïque gréco-romaine, en proposant une étude détaillée et précise de cet art dans la partie gauloise de l’empire romain. Nous sommes nombreux à avoir apprécié dans les musées ou in situ, la beauté des mosaïques africaines, syriennes, grecques ou italiennes, mais peu d’entre nous se sont montrés curieux des mosaïques qui ornaient les sols des luxueuses demeures et autres villæ gallo-romaines, à l’exception évidemment des grands classiques que l’on trouve au musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye, au musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon, à Trêves, à Avenches, à Vienne ou encore à Arles. Bref, nous connaissons et apprécions les mosaïques de tout le monde gréco-romain, sauf celles de chez nous ! C’est la raison pour laquelle, la lecture de ce livre est indispensable.
La mosaïque apparaît comme un mode de décoration des sols typiquement gréco-romain. Dans l’Antiquité classique, on décorait aussi bien les sols que les parois des maisons ou des temples. Mais le décor pariétal semble avoir davantage souffert des péripéties du temps que les sols mosaïqués, ce qui fait qu’aujourd’hui, le corpus de ces derniers est plus riche et plus diversifié que celui des décors muraux (ou pariétaux) : sol en terre cuite, en revêtement de béton de tuileau ou de pierre (avec ou sans incrustations), en mosaïque (pour les plus riches), en plaque de marbre (pour les plus luxueux). Ce sont ces différents décors de sol antiques qui forment le cœur de cet ouvrage : on y trouve mentionnés et explicités un grand nombre de découvertes très anciennes mais aussi très récentes, faites grâce au développement des fouilles archéologiques programmées et préventives, ainsi qu’aux progrès méthodologiques qui associent archéologues et restaurateurs dans un constant souci de comprendre le comment et le pourquoi des déposition des mosaïques, leur histoire, leur facture et leur exposition dans les musées.
L’ouvrage de Catherine Balmelle et Jean-Pierre Darmon s’articule en cinq chapitres d’inégale longueur : le premier (et le plus court) s’attache à « replacer dans leur contexte architectural les différents types de revêtements de sols et de parois en plaquages et mosaïques » (demeures urbaines, villæ, édifices publics) et à évoquer leur mise en place sur le chantier en traitant des artisans qui les réalisaient pour en faire un produit fonctionnel (étanchéité et entretiens des sols, organisation de l’espace) tout autant que décoratif (embellissement et agrément dus à l’agencement des formes et des couleurs, virtuosité et savoir-faire remarquables). Les trois chapitres suivants sont organisés selon un découpage chronologique fort commode et tout à fait acceptable : origines et premiers développements, du IVe s. av. au Ier s. apr. J.-C., où les auteurs traitent du rôle de la Narbonnaise d’abord, puis des autres provinces de la Gaule : Aquitaine, lyonnaise et Belgique (chapitre II) ; essor de la mosaïque gallo-romaine, du IIe s. au milieu du IIIe s. qui s’intéresse aux décors géométriques et figurés (chapitre III) ; Antiquité tardive, du milieu du IIIe s. au VIe s., avec un focus sur Trèves et son territoire, la Gaule du Sud-Ouest, la Gaule du Sud-Est, la Gaule du Centre et du Nord-Ouest (chapitre IV). Le dernier chapitre traite de la mosaïque comme document d’histoire sociale, c’est-à-dire qu’il s’attache « à faire revivre à travers leurs œuvres les artisans qui les ont produites », et réfléchit aussi sur les conditions et l’organisation du travail des mosaïstes et sur le rôle joué par les différents commanditaires : signatures des mosaïstes, mobilité des équipes, les commanditaires de la sphère publique et ceux de la sphère privée, les aspects sémantiques des décors et leurs enseignements. Le cadre géographique, lui, est celui défini par l’administration romaine (correspondant grosso modo aux territoires actuels de la France, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne en deçà du Rhin, et de la Suisse), sachant que les limites de la Gaule romaine ont fluctué au cours des temps, entre le règne d’Auguste, celui de Domitien et celui de Dioclétien. Les exemples illustrés dans ce livre proviennent de France, du Luxembourg, d’Allemagne (régions de Trèves et de Cologne) et d’une partie de la Suisse.
Un épilogue conclut fort à propos cette étude en mentionnant les découvertes les plus récentes d’Augst (Augusta Auscorum) sur la rive droite du Gers, d’Uzès, et surtout de Sainte-Colombe, à Vienne, cette dernière étant le fruit du travail des archéologues de la société Archeodunum, et dont les lecteurs d’Archéothéma auront découvert en exclusivité une partie des trésors mis au jour cet été.
L’ouvrage s’achève par des annexes tout à fait classiques : glossaire, bibliographie, index topographique et sources/crédits. À noter cependant, une magnifique carte de la Gaule, en couleur et au format A3 qui situe tous les sites mentionnés dans l’ouvrage. Un ouvrage magnifique qui s’adresse tant aux amateurs éclairés qu’aux étudiants en formation et professionnels chevronnés.
Bruno Bioul
Catherine Balmelle et Jean-Pierre Darmon, La mosaïque dans les Gaules romaines, éditions Picard, Paris, 2017, 359 pages, 59 €
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