mai 2021
Exposition. La Terre en héritage, du Néolithique à nous
La Terre en héritage, du Néolithique à nous cherche à comprendre les changements qui ont conduit à la crise environnementale de l’Anthropocène. Elle propose de voir dans l’époque néolithique les prémices d’un nouveau rapport à la nature, basé sur sa maîtrise et son exploitation – une exploitation poussée à l’extrême depuis environ 150 ans.
L’exposition propose d’observer les grands défis environnementaux contemporains à l’aune d’une période charnière de notre histoire, le Néolithique, qui marqua le début de notre exploitation de la nature et bouleversa notre relation au monde naturel et au reste des êtres vivants.
À cette époque, des communautés humaines commencent à se sédentariser et à assurer leur subsistance par l’agriculture et l’élevage. Elles établissent alors progressivement un rapport de domination à la nature tout en adoptant, pour la première fois, une économie de production.
Domestication des animaux, culture des plantes, production, consommation, habitat, transport : pour chacun de ces sujets, l’exposition déroule le temps afin d’identifier les amorces de modifications environnementales d’une ampleur sans précédent, l’Anthropocène, période caractérisée par l’influence majeure de l’activité humaine sur l’écosystème terrestre.
Parcours et scénographie
Le dialogue entre le Néolithique et l’Anthropocène fonde le scénario de l’exposition. Conçue par La plume et le plomb et Géraldine Grammon, la scénographie épouse ce parti-pris en plaçant la partie consacrée à l’époque néolithique au centre de la salle. Une claire-voie de bouleaux rappelle les enceintes entourant les premiers villages exhumés par l’archéologie. Elle permet la communication visuelle entre période néolithique et période contemporaine.
La planète à l’heure de l’Anthropocène
La salle s’ouvre par la « marche des hommes ». Une foule de silhouettes découpées dans le métal fait cheminer le visiteur vers un avenir incertain. Il découvre alors une Terre flottante où sont projetées des vues satellites et des datavisions, puis se confronte aux neuf limites planétaires illustrées par
autant de dioramas.
Trois espaces thématiques
Trois espaces rayonnent depuis la partie néolithique : se nourrir, posséder, occuper la Terre. Les objets archéologiques voisinent avec des références historiques, récentes et contemporaines, et des dispositifs audiovisuels ou interactifs, pointant les évolutions, les progrès et leurs limites.
Un contrepoint ponctue chacun des thèmes et valorise des expériences qui tendent à réduire les impacts humains sur l’environnement en proposant de changer notre façon d’habiter la Terre.
À la croisée des chemins
La fin du parcours propose de recentrer l’attention sur les liens culturels que nous pouvons tisser avec le monde vivant, en montrant l’urgence de reconstruire des relations saines, respectueuses et durables.
Les ambiances
Les mobiliers tracent des lignes pour mieux suivre le fil de chaque thématique. Leurs plans obliques figurent l’escalade des événements. Le graphisme, tout en courbes et volutes, fait écho aux désordres climatiques, aux ères géologiques ou aux courbes statistiques, en alternance avec les silhouettes humaines annoncées dès l’ouverture de l’exposition.
Qu’est devenue la Terre ?
La Terre, que notre espèce habite depuis près de 300 000 ans, est actuellement le seul endroit de l’Univers connu pour abriter la vie.
Il y a environ 12 000 ans, les communautés humaines devenant sédentaires jettent les bases d’une nouvelle relation avec la nature et commencent à exploiter le vivant et à modifier leur environnement.
Depuis, l’humanité a emprunté de multiples directions. Cependant, l’expansion mondiale d’une culture occidentale industrielle basée sur les énergies fossiles a enclenché une augmentation sans précédent de notre impact sur la biosphère. Désormais, notre histoire s’inscrit dans ce qui pourrait devenir une nouvelle époque géologique : l’Anthropocène.
Quels chemins nous ont menés à cette situation ? Il s’agit d’un long processus dont l’exposition propose de voir les prémices dans la période néolithique.
Les neuf limites planétaires
Le fonctionnement de notre planète est de mieux en mieux compris : de grands processus interdépendants régulent les écosystèmes marins et terrestres, produisant des conditions de vie favorables.
Les effets des changements liés à l’activité humaine, lents et diffus, commencent à se ressentir à l’échelle du globe. Le franchissement de certaines limites détermine l’entrée dans une période d’incertitude, marquée par le risque de bouleverser les milieux naturels et, finalement, de rendre la planète invivable.
Devenir sédentaire : une révolution
Les premiers villages
Il y a entre 12 000 et 10 000 ans, un climat doux et une présence naturelle de blé, d’orge sauvage et de gibier favorisent la sédentarisation des populations de chasseurs-cueilleurs, notamment dans le « Croissant fertile », qui borde la Méditerranée orientale. Ainsi naissent les premiers villages de l’humanité. Dans ce contexte très favorable, au fil de son évolution cognitive, Homo sapiens développe progressivement l’agriculture et l’élevage.
Une révolution planétaire
Ce nouveau mode de vie investit en l’espace de quelques millénaires la quasi-totalité de la planète. Depuis le Proche-Orient, il gagne l’actuelle Europe entre 8500 et 6500 ans avant notre ère, se diffusant jusqu’aux côtes atlantiques. Le même phénomène se développe de façon indépendante au Japon, en Afrique et en Amérique, il y a entre 10 000 et 3000 ans.
Une nouvelle vision de soi
Le passage vers une économie de production implique une nouvelle vision du monde. L’humanité, qui se percevait jusqu’alors comme une espèce parmi les autres, se place désormais dans un rapport d’ascendance sur la nature. Cette perception génère un monde symbolique et rituel complexe. Il est désormais possible d’envisager un univers surnaturel qui serait au-delà de l’humain, mais à son image.
Se nourrir
« L’invention » néolithique de l’agriculture sécurise l’accès à une nourriture nécessaire à la survie. Dès ses débuts, certaines espèces végétales et animales productives sont sélectionnées. Ce processus est, depuis, en constant développement.
Domestiquer
Soumissions et manipulations
La domestication des espèces sauvages apparaît au Néolithique. Aurochs, mouflons et sangliers deviennent au fil des générations bœufs, moutons et cochons. En plus d’être des denrées alimentaires à portée de main, ils fournissent des produits et une force de traction pour le travail des champs et le transport.
Le vivant au service de la production
Au XXe siècle, la sélection est poussée à son paroxysme pour créer des races d’animaux à fort rendement. L’animal, assimilé dès le XVIIe siècle à une machine, devient un maillon de chaînes de production toujours plus vastes. En parallèle, les pollutions liées aux élevages intensifs perturbent les écosystèmes. Depuis 1980, les modifications génétiques tentent d’améliorer encore la rentabilité.
La biodiversité en danger
La déforestation participe grandement à l’érosion de la biodiversité terrestre. Les forêts tropicales s’amenuisent en raison de l’exploitation du bois, des nouvelles plantations et de l’élevage. Depuis les années 1950, l’industrialisation a provoqué une extension importante des zones de pêche, ne permettant plus le renouvellement naturel des espèces.
Cultiver
Le rendement avant tout
L’amélioration des rendements agricoles débute au Néolithique. Pour produire des céréales, des sélections génétiques empiriques sont opérées sur des graminées sauvages. L’invention du fauchage et le semis des seules graines mûres forcent leur cycle naturel pour un meilleur rendement. Des engins agricoles, utilisant la force des animaux, augmentent l’étendue des sols cultivables. Dans cette logique de rendement, les sociétés se hiérarchisent et les conflits se multiplient.
L’engrenage du productivisme
Le XXe siècle constitue un tournant dans l’avènement d’une agriculture basée sur la mécanisation et les compléments chimiques pour amender les sols
ou détruire les ravageurs de cultures. Les guerres ont accéléré cette évolution. Elles ont nécessité le déploiement d’énormes systèmes industriels et
logistiques, dont la puissance fut ensuite réorientée vers la société civile et notamment vers l’agriculture.
Depuis les années 1990, de puissants acteurs financiers pilotent des filières agricoles de dimension mondiale. C’est l’agrobusiness, un système associant production agricole intensive, industries agro-alimentaires et diffusion massive de produits transformés.
Posséder
Produire et accumuler des biens est le propre des sociétés sédentaires. La multiplication d’objets, la production standardisée, la fabrication à la chaîne, la diffusion à large échelle, les « commandes » de produits lointains… tous les principes sont déjà en place au Néolithique.
Le phénomène prend cependant une toute autre ampleur à partir de la révolution industrielle. Aujourd’hui, la destruction des sols, l’épuisement des ressources naturelles et l’accumulation de déchets sont des problèmes majeurs de notre société de consommation.
Produire
Une organisation « industrielle »
Le silex pour fabriquer les outils désormais indispensables (haches, faucilles) est extrait massivement des mines. Son façonnage s’organise selon une chaîne opératoire précise, maîtrisée par des artisans de plus en plus spécialisés. Cela s’approche d’une production proto-industrielle, en série. Plus rare, le cuivre devient le premier métal convoité pour la fabrication d’armes et d’outils.
L’extractivisme
Pour assurer la production croissante de biens industriels et agro-alimentaires, et le fonctionnement des systèmes de communication, il faut extraire toujours plus de ressources, au risque de les épuiser. L’impact de l’extractivisme sur les écosystèmes est dévastateur : il pollue les sols, les eaux, l’atmosphère et il est responsable de l’émission massive de gaz à effet de serre.
Vers une transition énergétique ?
Depuis le XIXe siècle, l’industrie et les transports s’appuient sur des sources d’énergie variées : bois, charbon, pétrole, nucléaire, gaz de schiste. Au lieu de se remplacer, elles s’additionnent, répondant à une demande croissante.
Consommer
Désirs et gaspillages
Une société sédentaire productrice de richesses se hiérarchise très rapidement. Aux produits de première nécessité tels que les céramiques pour manger et stocker les aliments ou les outils agricoles, s’ajoutent les objets ostentatoires. Les élites affichent leur statut, leur richesse ou leur pouvoir. Des objets sans valeur fonctionnelle se multiplient. C’est aussi la naissance du gaspillage.
Occuper la Terre
Aujourd’hui l’urbanisation est planétaire et cela bouleverse nos façons de vivre. Le besoin de produire, de se loger, de contrôler les flux, nécessite la construction de villes et d’infrastructures qui maillent densément le territoire. L’expansion du bâti, reflet de la pression démographique, du développement économique et de l’organisation sociale, est une réalité dès le Néolithique.
Habiter
Construire pour rester
Habiter un lieu de vie stable devient, pour la première fois, une nécessité au Néolithique. Plusieurs types d’architecture existent, en fonction des matières premières disponibles. Leur forme et leur dimension reflètent également l’organisation des communautés et la condition sociale de leurs habitants. Ainsi, on retrouve en Europe des maisons individuelles et collectives, des maisons familiales et, assez vite, des maisons d’élites.
Les villages centralisent progressivement les fonctions économiques et de pouvoir. De ces villages naîtront des villes aux vastes réseaux commerciaux.
L’urbanisation galopante
Après une première phase d’urbanisation liée à l’industrialisation, le monde connaît une véritable révolution urbaine depuis les années 1950. Les villes, partout, accueillent un nombre croissant d’habitants qui viennent y trouver du travail, de meilleures conditions de vie, une ouverture culturelle, des droits nouveaux.
Les espaces urbanisés s’étendent, les périphéries s’imposent partout, à mesure que l’usage de l’automobile se généralise. Cette expansion perturbe les écosystèmes, capte les meilleures terres agricoles. Les infrastructures urbaines deviennent de plus en plus lourdes et les impacts environnementaux de plus en plus préoccupants.
Connecter
Réduire les distances
La société néolithique pose les bases du besoin d’infrastructures de transport. La pression démographique a multiplié les villages, a poussé les populations à s’installer toujours plus loin. Le peuplement progressif du bassin méditerranéen et de l’Europe par les Néolithiques a élargi le territoire connu. Dans un monde plus étendu, plus peuplé, plus hiérarchisé et plus spécialisé, chacun produit et échange, parfois sur de très longues distances.
La ville, centre du monde
Depuis 1950, tout change d’échelle et d’intensité : une mondialisation complète se dessine, en raison même de l’urbanisation généralisée de la planète. Actuellement, près de 60 % de la population mondiale est concentrée dans les villes. Tous les territoires, même ruraux, sont mis à contribution et façonnés pour lui fournir son alimentation, son énergie et des biens de consommation de toutes sortes.
La Terre en héritage, du Néolithique à nous
Du 2 avril 2021 au 30 janvier 2022 au musée des Confluences à Lyon
Exposition coproduite par le musée des Confluences et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), avec la participation de l’École Urbaine de Lyon.
Les dates, horaires, tarifs et conditions de réservations sont à retrouver
- Archétype d’un village néolithique. © La Plume et le Plomb. Photo service de presse.jpg
- Hache d’abattage Néolithique – Suisse, Neuchâtel Lame de hache en pierre, douille d’emmanchement en bois de cerf © musée des Confluences – Olivier Garcin. Photo de presse.jpg
- Vue aérienne de la déforestation dans la forêt amazonienne pour ouvrir des terres à l’agriculture Forêt nationale de Jamanxim, Para, Brésil © Paralaxis. Photo de presse.jpg
- Palette à fard Néolithique moyen (vers 3800 à 3100 av. notre ère) Égypte, Khozam Grauwacke Musée des Confluences © musée des Confluences – Olivier Garcin. Photo de presse.jpg
- Pulvérisateur à dos Vermorel Vers 1920 – France, Rhône, Villefranche-sur-Saône Cuivre, caoutchouc, cuir Prêt du musée Compa – Conservatoire de l’agriculture, Chartre. Photo de presse.
- Reconstitution d’Ötzi par Kennis © Musée d’archéologie du Tyrol du Sud – A. Ochsenreiter. Photo de presse.
- Baril de pétrole 1 er quart du 20 e siècle – France, Bas-Rhin, Merkwiller-Pechelbronn Chêne, fer Prêt du musée français du Pétrole, Merkwiller-Pechelbronn © Christian Cantin. Photo de presse.
- Bouteille, poterie à engobe vitrifié rouge poli Néolithique moyen (vers 3800 à 3500 av. notre ère) Égypte, Khozam Terre cuite © musée des Confluences – Olivier Garcin. Photo de presse.
- Louche Néolithique final (vers 2634 à 2434 av. notre ère) Suisse, Auvernier, La Saunerie Bois, plâtre Prêt du Laténium, parc et musée d’archéologie, Hauterive. Photo de presse.
- Peigne Néolithique final (vers 2786 à 2702 av. notre ère) Suisse, Saint-Blaise, Bains des Dames Viorne Prêt du Laténium, parc et musée d’archéologie, Hauterive. Photo de presse.
- Enceinte néolithique à double fossés avec son entrée, à Saint- Gervais (Vendée), 2007 © Hervé Paitier, Inrap. Photo de presse.
- Roue Néolithique final (vers 2650 av. notre ère) Suisse, Berne, Vinelz Érable, frêne, hêtre Prêt de la Direction de l’instruction publique et de la culture, Berne. Photo de presse.
- La plus grande ferme urbaine sur toit en Asie 2020 © LANDPROCESS. Photo de presse.
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