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novembre 2017

Un trésor médiéval découvert à l’Abbaye de Cluny

Mi-septembre, sur le site de l’Abbaye de Cluny (Saône-et-Loire), une découverte majeure a été réalisée dans le cadre d’une opération de fouille : plus de 2 200 deniers et oboles en argent, 21 dinars musulmans en or, un anneau sigillaire¹ et d’autres éléments en or. C’est la première fois que ces deniers sont retrouvés en si grand nombre et qu’un tel trésor réunit, au sein d’un même ensemble clos, des monnaies arabes en or, des deniers d’argent et un anneau sigillaire.

 

Le trésor in situ. © Anne Baud-Anne Flammin - Laboratoire Archéologie et archéométrie. Photo service de presse.

Le trésor in situ. © Anne Baud-Anne Flammin -
Laboratoire Archéologie et archéométrie. Photo service de presse.

Les travaux ont été dirigés par Anne Baud, enseignante-chercheuse à l’Université Lumière Lyon 2 et Anne Flammin, ingénieur CNRS, rattachées au laboratoire Archéologie et archéométrie (CNRS/Université Lumière Lyon 2/Université Claude Bernard Lyon 1). Ils ont été menés en collaboration avec une équipe de neuf étudiants de l’Université Lumière Lyon 2 et de membres de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux (CNRS/Université Lumière Lyon 2).

 

Vue d'ensemble du trésor après un examen. © Borrel - Laboratoire Archéologie et Philologie d'Orient et d'Occident. Photo service de presse.

Vue d’ensemble du trésor après un examen. © Borrel – Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident. Photo service de presse.

Cette campagne de fouille, autorisée par la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) de Bourgogne – Franche-Comté, a débuté mi-septembre et s’est achevée fin octobre. Elle s’inscrit dans un vaste programme de recherches sur l’Abbaye de Cluny. Participant aux fouilles, depuis 2015, les étudiants en Master Archéologie – Sciences pour l’Archéologie de l’Université Lumière Lyon 2 sont formés à la réalité des métiers de l’archéologie, et cette expérience de terrain contribue à leur bonne insertion professionnelle.

Le trésor mis au jour est constitué de plus de 2 200 deniers et oboles en argent, majoritairement émis par l’Abbaye de Cluny et datant probablement de la première moitié du XIIe siècle, regroupés dans un sac en tissu dont il reste quelques empreintes sur les pièces ;
d’une peau tannée, nouée, placée au sein des monnaies d’argent, et renfermant 21 dinars musulmans en or frappés entre 1121 à 1131 en Espagne et au Maroc, sous le règne d’Ali Ben Youssef (1106-1143) de la dynastie berbère des Almoravides ; d’un anneau sigillaire en or orné d’une intaille antique de couleur rouge figurant le buste d’un dieu, et comportant une inscription dont l’épigraphie pourrait correspondre à la première moitié du XIIe siècle ; d’une feuille d’or repliée de 24 grammes, contenue dans un étui ; et d’un petit élément circulaire en or.

 

La peau tannée et nouée avant extraction du contenu. © Alexis Grattier – Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

La peau tannée et nouée avant extraction du contenu.            © Alexis Grattier –
Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

Une étude plus approfondie menée par Vincent Borrel, doctorant au sein du laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident – AorOc (CNRS/ENS), est en cours afin de tenter de déterminer et dater plus précisément tous ces éléments.

Une découverte précieuse…

Il s’agit d’une découverte inédite et exceptionnelle dans un contexte monastique et clunisien : Cluny fait en effet partie des plus grandes abbayes du Moyen Âge en Europe occidentale. Le trésor avait été enfoui sous un niveau de sol, dans un remblai, et semble être demeuré à cet endroit pendant huit siècles et demi.

 

 

Les dinars d'or frappés entre 1121 à 1131 en Espagne et au Maroc, sous le règne d'Ali Ben Youssef (1106-1143) de la dynastie berbère des Almoravides. © Alexis Grattier – Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

Les dinars d’or frappés entre 1121 à 1131 en Espagne et au Maroc, sous le règne d’Ali Ben Youssef (1106-1143) de la dynastie berbère des Almoravides. © Alexis Grattier –
Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

Il renferme des éléments d’une valeur considérable : 21 dinars d’or et un anneau sigillaire, bijou de grand prix que peu de personnes pouvait posséder au Moyen Âge. À cette période, le numéraire occidental était largement dominé par le denier d’argent, les monnaies d’or étaient réservées aux transactions exceptionnelles. Les quelque 2 200 deniers d’argent, frappés à Cluny ou dans les environs, étaient, quant à eux, utilisés dans la vie quotidienne. C’est la première fois qu’ils sont retrouvés en si grand nombre.

La réunion, au sein d’un même ensemble clos, de monnaies arabes en or, de deniers d’argent et d’un anneau sigillaire rend cette découverte encore plus intéressante.

 

L'anneau sigillaire avec intaille antique.  © Alexis Grattier – Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

L’anneau sigillaire avec intaille antique. © Alexis Grattier –
Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

…ouvrant de nouvelles pistes de recherche sur l’histoire de l’Abbaye de Cluny

Cette trouvaille va contribuer à relancer la dynamique de recherche sur l’histoire de l’Abbaye, un monument ouvert au public géré par le Centre des monuments nationaux. Elle suscite également de nouvelles questions auxquelles il faudra tenter de répondre : À qui appartenait ce trésor : un moine ? un dignitaire de l’Église ? un riche lac, homme ou femme ? Quels renseignements apportent ces monnaies ? Où étaient frappés les deniers clunisiens ? Dans quel espace circulaient-ils ? Pourquoi retrouve-t-on à Cluny des dinars frappés en Espagne et au Maroc ? Pourquoi ce trésor a-t-il été enfoui ? Dans quel espace construit de l’abbaye a-t-il été caché, un bâtiment aujourd’hui détruit et mal connu ?

 

Ensemble des éléments contenus dans la peau tannée et nouée. © Alexis Grattier – Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

Ensemble des éléments contenus dans la peau tannée et nouée. © Alexis Grattier –
Université Lumière Lyon 2. Photo service de presse.

Note

1. L’usage des anneaux sigillaires est couramment attesté au Moyen Âge. Ils peuvent être employés pour des besoins domestiques (scellage des coffres, des bourses, mais aussi cachetage de la correspondance…).