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janvier 2012 Libye

Un patrimoine fragile et exceptionnel au cœur du Sahara libyen

Les gravures de la région de Kufra

En janvier 2011, une nouvelle mission libyenne a continué la prospection et l’enregistrement de l’art rupestre présent dans la région de Kufra, au sud-est de la Libye. Elle est menée par Saad Buhagar, professeur de l’Université de Benghazi et doctorant à l’Université de Grenoble. La mission a bénéficié du soutien de la direction de l’archéologie libyenne, très impliquée dans le développement d’une politique d’étude et de sauvegarde du patrimoine rupestre du sud, jusqu’à présent délaissé au profit des grands sites antiques de la côte méditerranéenne (voir Archéo-Théma n°17). Les récents bouleversements qu’a connus le pays risquent néanmoins de casser l’élan qui semblait avoir été pris pour développer une recherche souveraine sur ces thématiques. L’avenir nous le dira.
La campagne 2011 a permis de compléter l’inventaire systématique des gravures présentes dans deux massifs situés au nord-ouest de l’oasis de Kufra. Plus de 1000 blocs, représentant pas moins de 4000 figurations, ont ainsi été enregistrés en deux campagnes. La majorité regroupe des représentations de dromadaires, dans différents styles, qui nous renseignent sur les deux derniers millénaires de l’histoire de cette partie du Sahara. Plus anciennement, d’autres populations ont fréquenté ces oasis au milieu du reg de Rebiana. Des pasteurs ont ainsi représenté leurs bovins, mais aussi la faune sauvage qu’ils pouvaient encore côtoyer dans la région alors que le climat y était plus favorable, autorisant probablement un paysage semblable au sahel actuel : girafes, lions, canidés divers, autruches, oryx, addax, sont traités avec plus ou moins de précision naturaliste suivant les périodes. Certaines scènes rivalisent de finesse et d’intensité et montrent la parfaite maîtrise de l’art figuratif par ces populations disparues. Les premières constatations semblent indiquer des relations privilégiées des premiers habitants de cette région avec les populations du massif du Tibesti, situé plus au sud (actuellement au Tchad).
Si la situation le permet, d’autres campagnes permettront dans les années à venir de continuer la recherche en prospectant d’autres massifs isolés. Ce travail d’inventaire est primordial pour sauvegarder ce patrimoine qu’une fréquentation touristique potentiellement grandissante menace. Les surfaces gravées sont en effet très fragiles et souvent au sol. Le passage des véhicules et même des piétons amène rapidement à la disparition de fragments entiers de blocs, ainsi que des vestiges archéologiques directement accessibles. Paru dans AT-18.

Thierry Argant, Archeodunum