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Louis apprenant à lire, Heures de Jeanne de Navarre, BNF manuscrits occidentaux, NAL 3145, f°85V, vers 1336 © Bibliothèque nationale de France.
avril 2014

Saint Louis. Commémorations du huitième centenaire de sa naissance à Poissy

Huitième centenaire de Louis de Poissy
Par Florence XOLIN, Association « Saint Louis Poissy 2014 »

 

Louis IX, plus connu sous le nom de saint Louis, est né il y a huit cents ans, le 25 avril 1214. Cet anniversaire est l’occasion de s’intéresser à ses premières années, généralement négligées par les historiens, et à sa terre natale.

 Où saint Louis est-il né ?

Citons deux exemples parmi les nombreux documents qui attestent qu’il est né au château de Poissy.

Lorsque, en l’honneur de son grand-père, Philippe IV le Bel fait ériger un monastère (le prieuré royal Saint-Louis) et pour cela choisit le site de Poissy, il l’explique par ces termes : « le bienheureux saint Louis, notre ayeul et cy-devant roy de France, portait à l’église de la Bienheureuse Vierge Marie, où il avait été régénéré des eaux du saint baptême, et où tout le monde scait qu’il avait pris naissance…. » (charte de fondation). Cette église Sainte-Marie (maintenant collégiale Notre-Dame) était mitoyenne du château et intégrée à son système défensif.

Louis IX aimait se faire appeler Louis de Poissy, et lorsqu’on lui en demandait la raison, il répondait que c’est en ce castel qu’il avait reçu la plus grande grâce, celle de son baptême (propos rapportés par Guillaume de Nangis). Or, le sacrement de baptême était donné immédiatement après la naissance.

Ce château, incendié par les troupes du Prince Noir le 16 août 1346, puis « arasé » sur l’ordre de Charles V (charte du 31 août 1369), a entièrement disparu et son implantation ne nous est connue que par quelques relevés de fouilles du XIXe siècle.

Aucune indication plus précise ne nous est donnée sur ce lieu de naissance. Une tradition historiographique le situe à l’emplacement choisi par la suite pour édifier le grand autel de l’abbatiale du prieuré royal.

Pourquoi une naissance à Poissy ?

Poissy était déjà demeure royale sous les premiers carolingiens, comme en témoignent plusieurs actes. La châtellenie de Poissy appartient ensuite aux Robertiens depuis Eudes, et rejoint donc le domaine royal lorsque son héritier, Hugues Capet, monte sur le trône.

Sous Robert II le Pieux, qui fait reconstruire le château et l’église attenante au début du XIe siècle, « la résidence royale de Poissy, sise au bord de la Seine, est fort goûtée des rois de France » (Helgaud de Fleury).

Le château de Poissy est confié par Philippe Auguste à son fils Louis, futur Louis VIII. Louis et Blanche apprécient cette demeure bien située, à quelques lieues de Paris, en bord de Seine et non loin de la giboyeuse forêt de Laye. Quelques-uns de leurs enfants naissent « en ce castel », et, parmi eux, en 1214, celui qui va devenir Louis IX.

 Une naissance princière

Louis est le quatrième garçon de la famille. Son frère aîné, né en 1209, est héritier présomptif du royaume, et porte le prénom de son grand-père, le roi Philippe. L’un des jumeaux, Jean et Alphonse, nés en 1213, est encore en vie lors de la naissance de Louis.

Blanche a donc déjà accouché (on dit « gésir » à l’époque) plusieurs fois lorsqu’elle donne naissance à Louis. La naissance à cette époque est exclusivement affaire de femmes. Blanche vivant loin de sa mère et de ses deux sœurs, et n’ayant pas de belles-sœurs, est assistée de dames d’honneur et de chambrières : l’une d’entre elles, Amicie (Mincia), est arrivée d’Espagne en même temps que sa maîtresse. Probablement Ingeburge, l’épouse de son beau-père le roi Philippe, tout récemment libérée de la forteresse d’Etampes, est-elle venue de Paris l’assister pendant sa grossesse et pour la naissance. Une matrone ou « ventrière » est présente, et prodigue conseils et massages.

Même dans les familles princières, la mort périnatale est fréquente. Robert Fossier estime qu’elle touche à cette époque 25 à 30 % des nouveau-nés dans les familles de puissants. C’est pourquoi l’eau bénite est préparée pour un baptême d’urgence en cas de nécessité.

La mort est fréquente aussi pour la mère, surtout pour les primipares, ce qui n’est pas le cas de Blanche, mais elle n’aura pas manqué de se confesser et de se mettre sous la protection de la Vierge Marie et de sainte Marguerite, patronne des femmes en couche. Le bébé à peine né, Blanche s’est vue réconfortée, comme cela se pratiquait alors, par une nourriture abondante et du vin. Quant au nouveau-né, on l’emmène à l’église toute proche pour le baptême.

 Le baptême dans l’église Sainte-Marie

Blanche n’est pas présente pour le baptême de son fils. C’est seulement quarante jours après la naissance que la jeune mère retourne à l’église, où elle est accueillie pour les « relevailles ». Le père de l’enfant était absent aussi, chargé par le roi d’empêcher le franchissement de la Loire par l’armée anglaise.

Quant aux grands-parents, Alphonse et Eleonore de Castille étaient bien loin, et Philippe Auguste en Touraine, s’efforçant de mobiliser toutes les forces armées possibles pour contrer la coalition menaçant le royaume (coalition qui connaîtra son dénouement lors de la bataille de Bouvines, le 27 juillet de cette même année).

C’est donc le parrain de Louis et la nourrice Marie La Picarde qui portent l’enfant sur les fonts baptismaux.

Au XIIIe siècle, l’immersion totale du néophyte est remplacée par l’infusion (du latin qui signifie « répandre »), qui consiste à verser l’eau sur le front. Aux baptistères des origines, tels ceux encore visibles à Poitiers ou à Fréjus, ou encore à Kélibia en Tunisie, se substituent alors des vasques de taille plus réduite : les fonts baptismaux. Les fonts connus comme ceux de saint Louis sont rapidement considérés comme des reliques. On attribue à ces pierres, après sa canonisation, des vertus curatives, en raison de guérisons miraculeuses d’estropiés et de personnes atteintes du « mal des ardents ».

 Le prénom de Louis

Lors de la cérémonie du baptême, l’enfant reçoit le prénom qu’il portera toute sa vie. Le prénom de Louis est le plus ancien de ceux portés par les rois. Il dérive du « Clovis » porté par plusieurs rois mérovingiens, et rappelle la figure de Clovis, premier roi baptisé, des mains de saint Rémi, à la fin du Ve siècle.

Il est ensuite fréquemment donné aux enfants de la dynastie des Carolingiens. Parmi les Capétiens qui ont régné, nombreux sont les « Louis » : l’arrière-arrière-grand-père de Louis IX, Louis VI, puis son arrière-grand-père Louis VII, et enfin son père Louis VIII. Par la suite, ce prénom sera celui de nombreux autres souverains, des familles Valois et Bourbon, jusque Louis XVIII.

 Les premières années

Elles sont insouciantes : privilège de l’âge, mais aussi de la place de puîné. En 1218, tout bascule : le grand frère Philippe, héritier présomptif, celui qui devait un jour porter la couronne, meurt soudainement. À quatre ans, Louis doit assumer ses premières responsabilités. Sa formation, son emploi du temps, sa liberté de mouvement, s’en ressentent. Il est maintenant l’aîné.

Deuxième rupture : la mort de son grand-père Philippe Auguste (1223). Louis VIII monte sur le trône, et le petit Louis, âgé de neuf ans, se prépare au métier de roi. Les familles royales et princières n’ont pas de résidence fixe au XIIIe siècle. Mais le château de Poissy voit de nombreux séjours de la famille de Louis. Avec ses compagnons de jeux, ses frères puînés Robert, Jean, Alphonse, son unique sœur Isabelle (future fondatrice de l’abbaye de Longchamp), il bénéficie à Poissy d’un vaste terrain de jeu : la Seine pour la pêche, la forêt pour les chevauchées, les rues encombrées de bestiaux pour les courses poursuites… Louis est le premier des souverains capétiens à avoir connu une importante fratrie. Cet environnement lui permet de vivre aussi en contact avec les paysans et de découvrir leur rude labeur. Non loin de là, la Maladrerie, qui accueille les lépreux, témoigne des dures réalités de la vie. On sait combien Louis saura, devenu adulte, se montrer dévoué envers ses frères atteints de cette terrible maladie. Il porte d’ailleurs une grande attention à toutes les formes de misère. Ainsi, Les Faits de Mgr saint Louis racontent comment Louis enfant, pris de pitié lors de sa rencontre avec un mendiant affamé, s’empare d’un chapon dans les cuisines du château pour le porter au pauvre hère. Si l’histoire nous est connue, c’est que son geste n’a pas eu la discrétion qu’il espérait sans doute…

 Une éducation soignée

Toute mère joue au Moyen Âge un rôle éducatif majeur : apprentissage de la marche, de la parole, puis des lettres, des prières principales (Notre-Père, Credo, et, depuis peu, l’Ave Maria), des bonnes manières…

On sait que Blanche accordait une grande importance à la bonne tenue de ses enfants et à leur formation morale et religieuse. Elle était très exigeante. Ses biographes rapportent ses propos selon lesquels elle aurait préféré voir mourir son fils que de le voir commettre un péché mortel.

Mais elle s’absente parfois plusieurs mois. C’est le cas en 1217, lorsque son époux se trouve en difficulté en Angleterre et qu’il faut réunir des secours.

Si l’on ignore la place qu’a pu tenir le prince Louis auprès de ses enfants, on peut supposer qu’il s’est acquitté volontiers, lorsqu’il était présent, des fonctions attribuées alors au père : protection des enfants et formation à leur vie future.

Entouré de moines des ordres mendiants, dominicains et franciscains, Louis est aussi fortement influencé par leur enseignement et leur pratique : retour à la vie évangélique, pauvreté, charité, prière personnelle… Son instruction est confiée à un précepteur (cette pratique est adoptée par la famille royale depuis Philippe Auguste), qui utilise les méthodes en usage dans les écoles, mais peut adapter son enseignement aux besoins d’une éducation royale. Il accompagne volontiers son élève, profitant de chaque occasion pour l’instruire. Louis reçoit un solide enseignement littéraire, beaucoup de latin, étudie le droit et les coutumes du royaume, l’histoire de sa dynastie, et bien sûr découvre l’équitation et le métier des armes.

Son éducation politique est favorisée par la fréquentation des conseillers de Philippe Auguste puis de Louis VIII, qui restent par la suite à son service : frère Guérin, chancelier et évêque de Senlis, Barthélémy de Roye, grand chambrier, et Mathieu de Montmorency, connétable de France.

Lorsqu’il monte sur le trône à l’âge de douze ans, après la mort prématurée de son père, il revoit peu la terre de Poissy. Il continue pourtant de signer « Louis de Poissy » ses actes privés, revendiquant avec fierté le nom de la terre qui l’a vu naître et recevoir le baptême.

 

Encart : Capétien et carolingien ?

Louis VIII, père de Louis IX, est le premier capétien à descendre directement des derniers carolingiens. Sa mère, Isabelle de Hainaut, est en effet descendante de Louis IV d’Outremer et de son fils Charles, compétiteur malheureux de Hugues Capet en 987. Le biographe de Blanche, Gérard Sivery, qualifie Isabelle de « princesse la plus carolingienne d’Europe » (p. 32). Des écrits de l’époque témoignent de l’importance de cette filiation pour conforter la légitimité des rois capétiens.

 

Pour en savoir plus

Le Goff Jacques, Saint Louis, Collection Folio Histoire (n° 205), Gallimard, 1996.
Sivery Gérard, Blanche de Castille, Fayard, 2003.
• Fossier Robert, Ces gens du moyen âge, Paris, Fayard, 2007.
• Helgaud de Fleury, Livre des faits de Mgr saint Louis, Guillaume de Nangis, Joinville.

 

Les événements à ne pas manquer

•  25 et 26 avril : bureau de Poste « premier jour » pour le bloc feuillet de la collection « les Grandes Heures de l’Histoire de France » (timbre commémoratif national), 10-19 h au CDA, 53, av. Blanche de Castille, 78 300 POISSY

•  25 avril-11mai : « exposition Saint Louis enfant de Poissy », 10-19 h les sam. Dim. Et jours fériés, 14-19 h en semaine, au CDA. Animations, ateliers, conférences…

• 27 avril : concert « Musique au temps de saint Louis » par l’Ensemble Vocal Notre-Dame de Paris, à 16 h (collégiale de Poissy

• 11 mai : salon du livre « Saint Louis et son temps » (dédicaces, conférences), 10-19 h, au CDA

• De nombreux autres événements, et toutes les informations pratiques, sur www.saint-louis2014.fr.