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Déchiffrements/Decipherments
C’est à une véritable découverte du travail de déchiffreur que cet ouvrage, coordonné par Françoise Briquel-Chatonnet et Cécile Ramio, nous convie. En un peu plus de 160 pages, les différents spécialistes sollicités par les deux coordinatrices nous font voyager de l’Égypte à l’île de Pâques, en passant par la Mésopotamie, l’Iran, la Grèce, l’Italie et le Mexique, en nous révélant le minutieux (et souvent ingrat) travail de déchiffrement menés par des savants patients et passionnés qui ont voué toute leur vie, ou presque, à lever le voile d’une écriture cachée pour révéler les trésors d’une langue aujourd’hui disparue.
Comme nous fêtons cette année le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion en 1822, l’occasion était belle pour le musée de Figeac (d’où est originaire Champollion) et l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) de présenter conjointement au grand découvreur que fut Champollion, les principales entreprises de déchiffrements des écritures anciennes, abouties ou toujours en cours, ainsi que les autres grandes figures de déchiffreurs. C’est ainsi qu’une large place est donnée à l’abbé Barthélemy (1716-1795) qui s’est intéressé à l’écriture palmyrénienne et à l’alphabet phénicien (pp. 20-31), puis Francis Llewellyn Griffith (pp. 46-49) qui déchiffra le méroïtique (langue des “pharaons noirs” parlée au sud de l’Égypte et au nord du Soudan), Friedrich Grotefend, Henri Rawlinson, Edward Hincks et Jules Oppert (pp. 56-66) qui s’attaquèrent aux écritures cunéiformes (vieux perse, élamite, mésopotamien, akkadien), Charles Virolleaud, Édouard Dhorme et Hans Bauer qui déchiffrèrent l’alphabet ougaritique (p. 67), Michael Ventris se rendant célèbre par le déchiffrement du Linéaire B, l’écriture des palais mycéniens, attesté entre 1450 et 1190 environ (pp. 74-83), Charles-Étienne Brasseur de Bourbourg (1860) puis Yuri Knorozov (milieu XXe s.), Heinrich Berlin, David Kelley qui s’attaquèrent au déchiffrage des glyphes mayas (pp. 92-107), enfin K. Pozdniakov, entre autres, qui s’est appliqué à poser les bases du déchiffrement de l’écriture de l’île de Pâques (pp. 108-117).
L’ouvrage ne manque pas cependant de préciser qu’il reste encore bien des progrès à accomplir dans ce domaine si fascinant du déchiffrage des langues comme le montrent les cas du disque de Phaistos (p. 87), du Linéaire A (p. 88) ou de la langue étrusque (pp. 118-123) qui, comme le rappelle justement Dominique Briquel, ne pose pas de problème de lecture (il s’agit d’un alphabet dérivé de l’écriture grecque) mais de compréhension.
La visée de cet ouvrage est donc, comme le souligne dans sa préface Laurent Coulon, directeur de l’IFAO, « d’élargir la perspective au-delà du seul cas de l’écriture hiéroglyphique et de Champollion, aux autres entreprises de déchiffrements des écritures anciennes ».
La leçon a tirer de la lecture de ce livre passionnant est que pour être un bon déchiffreur, il faut être polyglotte, logique, perspicace et sacrément astucieux !
Pour terminer, précisons que cet ouvrage « est la déclinaison bilingue français-anglais, enrichie d’un long résumé en arabe, du catalogue de l’exposition Déchiffrements, montée initialement à Figeac en juillet 2022 avant d’être adaptée à la Bibliotheca Alexandrina » (p. 13). Un colloque s’est également tenu à Alexandrie du 10 au 13 octobre dernier, en parallèle à cette exposition, intitulé Les hiéroglyphes au XXIe siècle.
Bruno Bioul
Françoise Briquel-Chatonnet et Céline Ramio (éd.), Déchiffrements/Decipherments, Collection Bibliothèque Générale (BiGen), Institut français d’archéologie orientale/Musée Champollion – Les Écritures du monde de Figeac, 2022, 163 pages, 34 €.
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