La grande histoire de ce que nous devons aux animaux
Par Brian Fagan
Les animaux partagent la vie des hommes depuis les origines du monde. Les relations qu’ils entretiennent sont complexes et changeantes. Elles ont défini et modifié le cours de l’Histoire. Ce livre cherche à établir, sur la base d’une enquête purement historique et archéologique, la manière dont les relations homme/animal ont évolué dans le temps. L’irruption de l’homo sapiens dans un monde marqué par le binôme prédateur/proie, va bouleverser ces rapports de manière forte : « ses compétences supérieures en matière de chasse, ses armes plus sophistiquées, mais surtout ses capacités de raisonnement ont transformé ses rapports aux proies », nous dit Brian Fagan. Grâce aux vestiges archéologiques dont les plus anciens remontent au moins à 20 000 ans, il est possible d’esquisser les grandes lignes de l’évolution des relations entre animaux et humains.
Tout commence avec l’art pariétal des cavernes et des abris-sous-roche. Les animaux qui, il y a 15 000 ans, semblent avoir joué un rôle majeur dans cette histoire, et qui font l’objet de ce livre, sont le chien, la chèvre, le mouton, le cochon, le taureau, l’âne, le cheval et le chameau, dont la domestication fut un véritable bouleversement. Source d’approvisionnement fondamentale (viande, lait, peau, fourrure, cornes, tendons, os), l’animal détermina un mode de vie tout à fait exceptionnel, une relation éleveur/élevé absolument cruciale dans l’histoire des hommes : « ces bêtes ne représentaient pas que de la nourriture, elles étaient une composante de l’environnement quotidien, un élément de statut social, à la fois des outils et des compagnons. Elles tissaient des liens entre les générations, entre les vivants et les ancêtres vénérés, symboles des rapports de subsistance et d’interdépendance entre les hommes ». Ensuite, après la domestication, arriva l’agriculture, puis les premières agglomérations et cités : le bétail fut alors considéré comme marqueur de richesse et de bonne fortune que l’on offrait au cours de banquets rituels ou en cadeau. Ils étaient aussi porteurs de toute une symbolique de virilité et de royauté. Leur puissance fut utilisée également pour le transport des personnes et des marchandises. Bref, les animaux étaient tout à la fois outils de travail et/ou offrandes faites à la divinité.
Avec la révolution industrielle, la croissance démographique et l’explosion de la vie urbaine, le rapport des hommes avec les animaux change fondamentalement. D’intime qu’il fut au départ (et pendant plusieurs millénaires, jusqu’à l’orée du XIXe siècle), il devint subitement anonyme, froid et économique ! L’obsession croissante du rendement, de la quantité de viande, de la force du “cheval vapeur” entraîna un accroissement des mauvais traitements et de la cruauté envers les bêtes concernées, jusqu’à ce que, dans le courant du XXe siècle, on se mit enfin à réfléchir sur la qualité d’“êtres vivants” des animaux, justifiant ainsi la remise à l’honneur des rapports intimes et amicaux envers nos chers compagnons. Mais cette attitude reste encore fragile car l’Homme peut toujours opprimer et exploiter ceux qui ont contribué à façonner l’Histoire.
Cette saga passionnante, Brian Fagan, archéologue britannique et professeur émérite à l’université de Californie à Santa Barbara, nous la raconte passionnément, dans un style vif et concis, avec un vrai sens de la “vulgarisation” pour le public non-averti. Il a écrit de nombreux articles et livres sur l’archéologie contemporaine et s’est fait l’avocat d’approches non-traditionnelles et des études interdisciplinaires. Son ouvrage a été rédigé dans ce même esprit. Il s’articule en sept parties : 1. Chasseurs et chassés ; 2. Des loups et des hommes ; 3. La révolution agricole ; 4. L’âne à l’origine de la mondialisation ; 5. Les bêtes qui renversaient les empereurs ; 6. Les vaisseaux du désert ; 7. « Doux, patients et endurants ». Il est agrémenté de quelques (trop rares) photos noir et blanc, d’une chronologie succincte et de notes qui servent aussi de bibliographies. Un livre original dans sa thématique, facile à lire et qui fait le point sur un des problèmes majeurs de nos sociétés de consommation : quelle est notre véritable place dans le monde.
Bruno Bioul
Brian FAGAN, La grande histoire de ce que nous devons aux animaux, éditions La Librairie Vuibert, Paris, 2017, 354 pages, 21,90 €
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